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L’art du Nord de l’Australie :
La Terre d’Arnhem




La Terre d’Arnhem est une région tropicale, avec une faune, une flore et un sous –sol très riches.

Pendant longtemps, pour la grande majorité des spécialistes comme pour le grand public, l’art aborigène est celui de Terre d’Arnhem. Cela tient aux nombres élevés de peintures rupestres connues depuis des dizaines d’années (Les peintures pariétales y sont nombreuses, de styles variés et de périodes différentes) et que des ethnologues ont collecté très tôt des écorces peintes (un peu avant les années 1920) ou des objets pour les institutions artistiques australiennes ou européennes. Vers 1912, l’ethnologue Baldwin Spencer récolte des écorces en les échangeant contre du tabac ou quelques denrées alimentaires. Puis à partir des années 1920, Donald Thompson, Elkin, Mounford, Spencer, Guillen, les Berndt joueront un rôle essentiel dans la connaissance artistique et culturelle de ces ethnies.

Essentiellement depuis les années 60, les artistes de cette région produisent des peintures pour les musées et le marché de l’art. Il s’agissait surtout de peintures sur écorce mais depuis quelques années le papier et maintenant la toile remplacent un support qu’on ne peut recueillir que 6 mois dans l’année et qui demande plus de travail quant à la préparation. Les T-shirts ou les sérigraphies vendus aux touristes sont le plus souvent inspirés par le style « Rayons X » ou « Mimi »renforçant la connaissance de ce style au près du public.

Personne ne connaît exactement l’origine des peintures sur écorce (début du XIX probablement). Certains pensent qu’il s’agissait à l’origine d’une simple protection contre la pluie et qu’on peignait pour passer le temps. Pour d’autres, il s’agissait d’un objet précis ayant une fonction particulière lors des cérémonies. Aujourd’hui le caractère sacré de certaines écorces de Terre d’Arnhem et des îles du Nord de l’Australie ne peut plus être mis en doute. Certains initiés de la région de Ramingining disent que l’on dormait dans des abris constitués d’écorces peintes pour ainsi se charger de l’énergie des Ancêtres pendant la nuit. On trouve encore des écorces anciennes sur le marché, datant du début du XX ème mais la grande majorité des œuvres datent au mieux des années 1960 / 1970.

La plupart des artistes de terre d’Arnhem utilisent toujours les pigments naturels, les ocres, contrairement aux artistes du Désert Central qui eux peignent avec des peintures à l’acrylique. Les couleurs sont sobres, le plus souvent on peint sur un fond rouge ou brun sur lequel on dispose les motifs avec du noir du blanc ou du jaune. Seule concession, les fixatifs, autrefois naturels comme le jaune d’œuf, le miel, le suc d’orchidées…, sont remplacés par des colles à bois. Les pinceaux sont souvent fabriqués par les artistes eux-mêmes avec des petites branches mâchonnées par exemple, ou des cheveux, des fibres de pandamus mais peuvent aussi être achetés dans le commerce.

L’Ouest de la Terre d’Arnhem est célèbre pour ses peintures « radiographiques ». Les animaux ou les esprits sont représentés avec les caractéristiques extérieures (en général de profil) mais également des organes internes comme la colonne vertébrale, le cœur, les poumons… . Ce style est probablement à la fois didactique (on peut apprendre aux jeunes chasseurs où viser l’animal, quels sont les organes comestibles,…) et ésotérique (tel organe de tel Ancêtre est à l’origine de telle colline, etc…). On y peint aussi beaucoup les esprits Mimi, des esprits ayant forme humaine qui courent, dansent, chantent. Ce sont eux qui sont censés avoir appris aux Aborigènes les techniques de chasse, les rituels, les danses… . Ils vivent toujours dans les crevasses, les arbres, rochers…
Les esprits Mimi pourraient être assimilés à nos lutins, nos farfadets ou korrigans bretons. En transmettant leurs connaissances aux Aborigènes, ils ont montré un aspect très positif. Toutefois, ils peuvent se montrer farceurs et même peuvent vouloir se venger si l’on vient chasser sur leur territoire. Ils sont donc craints. Les Ancêtres quant à eux, même si ils se montrent très souvent violents, amoraux, sont presque toujours considérés comme des Etres positifs puisqu’ils ont créé la vie, les hommes et les objets qu’ils utilisent quotidiennement comme le boomerang, donné les lois et les rituels.


C’est deux styles de peinture demeurent très réalistes contrairement à celui de l’Est. Très géométrique, abstrait, il peut s’agir d’une surface couverte entièrement de petits traits. Mais le plus souvent l’œuvre possède quelques motifs plus figuratifs. Ces œuvres peuvent être découpées en plusieurs sections qui sont autant d’épisodes dans le mythe ainsi mis en image. Malgré l’apparente différence avec le style du Désert Central, l’idée de carte mythologique est également vraie pour la Terre d’Arnhem.

L’important semble toujours être ses petites hachures qui sont caractéristiques des œuvres de Terre d’Arnhem. Appelés « Rarrks », ils ont été transmis par les ancêtres. Chaque clan a sa façon de les peindre, ce qui permet aux initiés de cette région d’identifier la provenance d’une œuvre. Mais plus important, ils confèrent à l’objet sur lequel ils sont peints le pouvoir et l’énergie des Ancêtres. On assiste à une généralisation de ces rarrks, qui deviennent un élément décoratif même si la tradition et le côté ésotérique reste fort. L’aspect lumineux et vibratoire des raarks est la manifestation de la force des Ancêtres. Cette luminosité est fondamentale, elle est censée éblouir, éclairer l’esprit de celui qui regarde la peinture, montrer la puissance spirituelle de l’Ancêtre.

Les œuvres des îles Melville et Bathurst où vivent les Tiwi connaissent également un grand succès. Les Tiwi, Aborigènes des îles Melville et Bathurst situées au Nord de Darwin, ont développé un art singulier, essentiellement basé sur la cérémonie du « Pukumani », rituel de décès. Pour cette cérémonie, les artistes Tiwi sculptent des poteaux en bois de fer richement décorés de motifs ésotériques (il existe très peu de représentations figuratives contrairement à l’art de Terre d’Arnhem pourtant géographiquement très proche) et réalisent, entre autre, des paniers en écorce (Tungas) également peints à l’ocre. L’art Tiwi est caractérisé par sa sobriété et est dominé par les pigments noirs. Les motifs traditionnels sont uniquement ésotériques mais depuis peu des œuvres figuratives sont peintes par de jeunes artistes. Ils réalisent aussi des tissus imprimés mais la jeune génération se montre plus créative et excelle dans le domaine de la céramique (avec de véritables sculptures émaillées) et de la poterie, ainsi que dans le domaine de la gravure. Les sculptures en bois de fer peuvent être très intéressantes mais le côté parfois un peu systématique de la production est un peu gênant.

Les écorces de l’île de Groote Eylandt sont quant à elles peintes sur un fond sombre et comportent plus de motifs réalistes.

Marc Yvonnou
Pont-Aven, 2001